Avant-dernier épisode de notre dossier consacré à la liberté d’instruction. Suite et fin cette semaine, avec un texte amorçant une réflexion sur la nécessité de trouver un compromis entre la famille et l’école.
Depuis une dizaine d’années, le nombre d’enfants qui échappent à l’Éducation nationale progresse lentement mais sûrement, engendrant une réaction autoritaire de l’État. Pourtant, derrière la propagation de discours catastrophistes sur l’éducation hors du système public – dont Philippe Meirieu est une des figures de proue – on trouve des personnes qui tentent de repenser l’éducation non pas dans mais hors du système. Un tour d’horizon de la situation en France et dans le Tarn nous montre une forte envie de respecter les enfants et de leurs offrir des espaces propices à leur épanouissement.
En France, depuis la rentrée 2019, l’instruction est obligatoire pour les enfants de trois ans à seize ans. Légalement, elle ne peut être dispensée que dans une école publique, une école privée sous contrat, une école privée hors contrat ou dans la famille. En 2016, sur les 8 millions de jeunes soumis à l’instruction obligatoire[1], 82,7 % étaient scolarisés dans le public, soit près de 7 millions d’enfants, contre 16, 5 % dans le privé sous contrat, ce qui représente environ 1,5 millions d’élèves. Le pourcentage restant se divise entre ceux qui sont inscrits dans des écoles privées hors contrat – 0,5 %, soit un peu moins de 40 500 jeunes – et ceux qui reçoivent une instruction en famille (IEF) – 0,3%, soit 24 300 enfants.
L’essor des écoles privées hors contrat
Le terme d’école hors-contrat est avant tout une notion juridique et non pédagogique. Il renvoie à un établissement d’enseignement primaire, secondaire ou supérieur qui n’a pas passé de contrat avec l’État, c’est-à-dire qui ne suit pas les programmes officiels de l’Éducation nationale et qui, en conséquence, doit chercher ses propres moyens de financement. Depuis la loi du 13 avril 2018, pour ouvrir une école hors contrat, il faut non plus déclarer mais demander une autorisation, qui peut être refusée par « l’autorité compétente de l’État en matière d’éducation, le maire, le représentant de l’État dans le département ou le procureur de la République ». Pour éviter d’en arriver là, le directeur d’une future école doit montrer patte blanche en justifiant de son identité, de son âge, de sa nationalité, de son niveau d’étude ainsi que de l’absence de casier judiciaire et présenter un projet pédagogique qui doit être conforme au socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Concrètement, un directeur d’établissement doit avoir au moins 21 ans, être français ou ressortissant de l’Union européenne, posséder un diplôme équivalent à deux années après le bac et justifier de cinq années d’expérience en tant que directeur, enseignant ou surveillant dans un établissement scolaire public ou privé. S’il espère ouvrir, le directeur doit, en outre, fournir les plans de sa future école ainsi que ses modalités de financement. Si, malgré un refus, il ouvre son école, il risque 15 000 euros d’amende, cinq ans d’interdiction de pratique, en plus de la fermeture de son école et les parents d’élèves, quant à eux, sont tenus de scolariser leurs enfants dans un autre établissement. Lorsque les pouvoirs publics donnent leur aval pour l’ouverture d’une école, cette dernière subit des contrôles. La loi du 26 juillet 2019 précise qu’ils concernent les « titres exigés des directeurs et des enseignants », l’obligation scolaire, l’instruction obligatoire, le respect de l’ordre public, la prévention sanitaire et sociale et la protection de l’enfance et de la jeunesse et qu’« un contrôle est réalisé au cours de la première année d’exercice ». En clair, l’État entend vérifier que les enfants des écoles hors contrat ne sont pas embrigadés et qu’ils puissent exprimer librement leur personnalité tout en partageant les valeurs de la République (article L111-1 du code l’éducation).

Ce durcissement législatif réagit à la constante augmentation du nombre de créations d’écoles hors contrat (de la maternelle au lycée) ces dernières années, sur fond de psychose terroriste. La fondation pour l’école recense 24 créations en septembre 2009, 122 en septembre 2017 et même 157 en 2018. En termes d’effectifs, on est passé d’un peu moins de 60 000 élèves âgés de 3 à 16 ans en 2012 à près de 73 000 en 2017. D’un point de vue pédagogique, il existe une pluralité de situations. Sur les quelques 1 500 établissements concernés, la fondation pour l’école recense 60% d’écoles aconfessionnelles – 70% selon l’annuaire de l’association « Créer son école » – 25% d’écoles catholiques et protestantes, 6% d’écoles juives et 4% d’écoles musulmanes[2]. Parmi les écoles aconfessionnelles, on compte un gros bataillon d’écoles Montessori et un nombre croissant d’écoles démocratiques. Toutes deux représentent la moitié des nouvelles créations d’écoles en 2017 et en 2018. Au regard de ces chiffres, on peut constater que la radicalisation islamiste par le biais des écoles hors contrat est un fantasme, même s’il est vrai que certaines d’entre-elles ont défrayé la chronique ces dernières années. C’est le cas, par exemple, du groupe scolaire Al-Badr, basé à Toulouse et qui a été contraint de fermer ses portes en 2016 pour « enseignement non-conforme ». Il a été reproché à cette école de privilégier l’apprentissage du Coran en langue arabe, au détriment de tous les autres savoirs en langue française. En fait, les écoles musulmanes sont visibles mais peu nombreuses. Il est indéniable que certaines écoles ont de quoi inquiéter, comme celle de la mouvance intégriste de la Fraternité Saint-Pie-X ou, plus proche de nous, à Castres, un groupe scolaire baptisé « cours Sénévé ». Ce dernier a fait polémique ces dernières années du fait de l’appartenance de plusieurs de ses encadrants à l’extrême-droite locale. Selon la direction de l’établissement, 38 enfants de la maternelle au collège y sont scolarisés. Dans un autre style, on peut évoquer les écoles du réseau espérance banlieue, soutenues par de grandes entreprises du CAC 40, dans lesquelles le port de l’uniforme et le salut quotidien du drapeau sont de rigueur. Néanmoins, ce genre d’établissements représente moins de 10 % du total des écoles hors contrat.
En fait, pour beaucoup d’écoles hors contrat, confessionnelles ou non, il y une volonté de rompre avec la rigidité pédagogique de l’Éducation nationale et de mettre l’enfant au cœur des apprentissages, s’inspirant des expériences du mouvement de l’Éducation nouvelle. Ces préoccupations expliquent l’essor des écoles Montessori et des écoles démocratiques partout en France, y compris dans le Tarn, où cinq écoles de ce genre ont ouvert ces dernières années. La plus ancienne d’entre-elles est l’école Montessori d’Albi, qui a ouvert ses portes en 2012. A la rentrée 2018, elle regroupait 40 d’élèves de 3 à 12 ans. Depuis, d’autres écoles qui suivent la pédagogie de la doctoresse italienne ont essaimé à Gaillac, en 2015, près de Lavaur en 2017 et tout récemment à Castres, en septembre. Par ailleurs, une école démocratique de type Sudbury s’est montée à Loupiac, une petite commune située entre Rabastens et Lisle-sur-Tarn. Elle accueille actuellement une vingtaine d’enfants âgés de 3 à 16 ans. L’ensemble de ces structures, faute de subventions publiques, doivent s’autofinancer, ce qui explique le coût élevé des frais d’inscription, qui oscillent entre 250 et 400 euros par enfant et par mois selon les formules.
L’instruction en famille : une autre échappatoire à l’Éducation nationale
A l’instar des écoles hors contrat, les familles en charge de l’instruction de leurs enfants sont de plus en plus nombreuses et s’attirent de plus en plus les foudres de l’État. Jusqu’en 1998, la législation était relativement souple et peu de familles étaient contrôlées. La lutte contre les sectes, médiatisée par les massacres de l’ordre du Temple solaire, va servir de prétexte à un premier serrage de vis. Un rapport de la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale présenté en juin 1998 prétend recenser près de 1 000 enfants recevant une instruction dans des familles sectaires, soit 5% du nombre total d’enfants non-scolarisés à ce moment-là, et préconise un durcissement de la loi[3]. Ségolène Royal, alors ministre déléguée en charge de l’enseignement scolaire, va se baser sur ce rapport pour rédiger une loi visant à renforcer le contrôle de l’obligation scolaire, adoptée le 18 décembre 1998. Désormais, il incombe au maire de mener une enquête tous les deux ans « uniquement aux fins d’établir quelles sont les raisons alléguées par les personnes responsables, et s’il leur est donné une instruction dans la mesure compatible avec leur état de santé et les conditions de vie de la famille ». Un autre contrôle est confié à l’« autorité compétente en matière d’éducation » – dans les faits, il s’agit toujours d’inspecteurs de l’Éducation nationale car l’’Education nationale s’autoproclame comme la seule autorité compétente en matière d’éducation – de vérifier « au moins une fois par an » que « l’enseignement assuré est conforme au droit de l’enfant à l’instruction ».

La vague d’attentats qui a frappé la France entre 2015 et 2016 va servir à nouveau de prétexte au gouvernement pour durcir la législation encadrant l’instruction en famille. Dans la terminologie officielle, le mot secte a été détrôné par celui de radicalisation. Au nom de la lutte contre l’endoctrinement jihadiste, la ministre de l’Éducation nationale de l’époque, Najat Vallaud Belkacem, rédige un décret, promulgué le 30 octobre 2016. Celui-ci réduit la marge de manœuvre pédagogique des familles en les obligeant à suivre palier par palier les attendus du socle commun sans pour autant exiger une quelconque maîtrise avant l’âge de 16 ans. En outre, ce décret précise que les enfants doivent faire des exercices écrits ou oraux lors du contrôle pédagogique. Un nouveau décret, publié le 2 août 2019, dans le cadre de la loi dite « pour une école de la confiance », va encore plus loin en abaissant l’âge de l’instruction obligatoire à trois ans et en exigeant l’acquisition progressive du socle commun, ce qui signifie qu’on est passé en quelques années d’une obligation de moyens à une obligation de résultats. Il s’agit là d’une discrimination, ni plus ni moins. Pourquoi exiger l’excellence des enfants non-scolarisés alors que dans le même temps les enfants scolarisés, malgré des résultats médiocres, peuvent franchir les échelons sans problème – le redoublement n’étant plus à la mode – et finir dans le pire des cas dans des voies de relégation sans que leurs parents ou l’équipe enseignante soient mis en demeure. Cette discrimination s’ajoute à celle concernant l’allocation de rentrée scolaire dont seuls les enfants scolarisés bénéficient. Le nouveau décret permet également aux personnes en charge du contrôle annuel – les inspecteurs de l’Education nationale – de le faire de manière inopinée, ce qui est une grande nouveauté, inattendue, puisque ce point n’avait absolument pas été débattu lors des phases préparatoires de la loi. En cas de refus de contrôle inopiné sans motif légitime – le texte ne précise pas ce qu’est un motif légitime, ni qui tranchera sur la légitimité – les familles peuvent se voir sommées de rescolariser leurs enfants. L’injonction est alors valable pendant deux années scolaires. Cette mesure démontre une grande méconnaissance du mode de vie des familles non-scolarisantes, qui sont loin de passer leurs journées à domicile, et il est difficile de ne pas l’interpréter comme une assignation à résidence de fait. Enfin, à partir de la rentrée 2020, des visites médicales seront obligatoires à 3 ans et à 5 ans, afin de vérifier l’acquisition du langage des enfants-non-scolarisés. Faute de pouvoir imposer l’école à tous, l’État semble bien décider à vouloir transformer l’instruction en famille en école à la maison grâce à une ingérence sans scrupule dans la sphère privée de ces familles.
Malgré ce contexte liberticide, le nombre de familles non-scolarisantes est en hausse constante depuis une dizaine d’années, même s’il est toutefois très difficile d’évaluer précisément l’importance de cette augmentation dans le temps. Les derniers chiffres officiels font état de près de 12 500 enfants de 6 à 16 ans instruits en famille en 2007 et 24 300 en 2016[4]. Beaucoup d’entre eux, respectivement 75% en 2007 et 60% en 2016, sont inscrits au CNED[5] tandis que les autres suivent des pédagogies diverses et variées : Montessori, apprentissages informels, autres cours par correspondance, enseignement religieux…Faute d’études sérieuses, il est impossible de fournir une analyse précise de cette situation. Néanmoins, on peut affirmer que, contrairement aux États-Unis, les raisons religieuses sont plutôt marginales. Comme le rappelle le chercheur Philippe Bongrand, les familles agissent pour certaines en réaction à l’incapacité de l’école à gérer les besoins particuliers de leurs enfants tandis que d’autres sont soucieuses « du rythme, des intérêts et de l’autonomie de l’enfant ». Il me semble que les familles, au-delà de leur différences sociales, ethniques, religieuses et idéologiques, agissent toutes par bienveillance envers leurs enfants dont elles n’hésitent pas à écouter les besoins et respecter la volonté. La décision d’instruire à domicile est dans l’immense majorité des cas réfléchie et non pas subie. Un certain nombre de réajustements familiaux en découlent et les parents instructeurs prennent leur responsabilité très au sérieux, sans oublier les besoins de socialisation des enfants. Dès lors, il est inacceptable d’affirmer – comme se complait à le faire depuis des années la Miviludes[6] – que l’instruction en famille relève d’une « rupture avec le monde extérieur » et d’une « perte de chance éducative »[7]. D’une part, comme l’explique Philippe Bongrand, « les familles qui ne scolarisent pas leurs enfants ne vivent pas recluses », « leur démarche s’inscrit souvent dans des réseaux (voisinage, réseaux sociaux) sources d’une intense sociabilité » et « ces familles fréquentent souvent, et peut-être même plus que d’autres citoyens, les espaces publics tels que les médiathèques, centres d’animations, parcs ou musées ». D’autre part, d’après le ministère de l’Éducation nationale, seuls 7% des contrôles effectués en 2015 se sont avérés insatisfaisants et on n’a jamais entendu parler d’enfants soustraits à des sectes ou empêchés de se radicaliser grâce à ces contrôles. En outre, aucune étude ne démontre l’incapacité des enfants non-scolarisés à réussir des études supérieures et à trouver un emploi. Les seuls chiffres sur l’insertion des enfants instruits en famille dont on dispose concernent les États-Unis : leurs profils atypiques sont, d’une part, plébiscités par les grandes universités de l’Ivy League[8] qui leur réserve un quota de ses entrées ; d’autre part, ils s’insèrent dans toutes les catégories socio-professionnelles, avec une part plus importante d’artistes et d’artisans.

Mais il serait réducteur et surtout faux de considérer les familles non-scolarisantes comme des personnes vivant dans la peur et repliées sur elles-mêmes. Formant une communauté disparate, du fait de leurs profils hétérogènes, les familles qui ne scolarisent pas (ou plus) font avant tout un pas de côté dans une société où le parcours de l’enfant est largement institutionnalisé depuis la naissance (à l’hôpital) jusqu’à l’école, en passant par la crèche, la PMI et d’autres institutions de surveillance que vont trouver les nouveaux experts de « la commission des 1000 premiers jours de la vie de l’enfant » mise en place par Macron… Utiliser pleinement son droit à instruire librement ses enfants permet de retrouver une part de son autonomie, de remettre la main sur le cours de son existence. A l’heure où les fêtes de la transition font avancer la réflexion dans les domaines des énergies, de l’habitation, de l’agriculture sur la nécessité d’abandonner notre modèle sociétal et d’autonomiser l’être humain, il est dommage de constater que l’école n’est pas encore remise en question de ce point de vue. Elle est pourtant une mainmise de l’État sur l’enfant à travers le choix des programmes et l’énorme volume-horaire imposé. Les familles non-scolarisantes, qu’elles en soient pleinement conscientes ou non, mettent donc en pratique une véritable alternative qui n’est proposée par aucun mouvement politique à l’heure actuelle. Le foisonnement des innovations pédagogiques, le dynamisme et la diversité des familles en font un laboratoire joyeux d’expérimentations conviviales et bienveillantes.
En France, il existe trois associations nationales chargées de créer du lien entre les familles non-scolarisantes et de les défendre : LED’A, LAÏA et UNIE. Elles organisent plusieurs semaines par an de grands rassemblements dans des campings privatisés pour l’occasion. C’est l’opportunité pour des centaines de familles de se retrouver et d’échanger. Ces associations ont aussi dû se doter de services juridiques afin de lutter contre les abus constants entourant les contrôles. Il n’est pas rare qu’une famille déscolarisant un enfant se voit menacée par des agents de l’Education nationale qui n’hésitent pas à faire de la désinformation, même dans les cas extrêmes de phobie scolaire ou de harcèlement. Les contrôles donnent également lieu à de multiples abus et marques d’irrespect. Par exemple, alors même que cela est illégal, il n’est pas rare qu’un enfant de niveau primaire se voit infliger une série d’exercices de deux heures, séparé de ses parents qui s’entretiennent avec les inspecteurs. Par ailleurs, les personnels de l’Education nationale, bien souvent, loin de tenir leur neutralité d’agent d’État, se fendent de commentaires désobligeants ou adoptent une attitude menaçante. Les rapports de ces contrôles sont émaillés de jugements de valeur (référence au train de vie de la famille, désignation des parents instructeurs par les termes condescendants de «le papa » et «la maman », opinions personnelles sur l’IEF, déductions approximatives sur la psychologie de l’enfant…) Si les avis non-satisfaisants sont rares suite à ces contrôles, 90% des familles contrôlées disent l’avoir mal vécu.
Dans le Tarn, l’association Libres enfants du Tarn[9] est en contact avec environ 80 familles, venant de tous horizons – socio-professionnels, religieux, ethniques, etc. Ce chiffre n’est qu’une estimation mais il constitue la seule statistique existante pour le département. Au moment où j’écris ces lignes, la DSDEN[10] d’Albi n’a toujours pas répondu daigné répondre à mes sollicitations, malgré des semaines de demandes répétées. Cette association a notamment pour objectif de mettre en réseau des familles non-scolarisantes à travers des rencontres et des sorties régulières. Une autre association, basée à Toulouse, animé le sud-ouest du Tarn : Non-Scô Toulouse. Elle propose une rencontre hebdomadaire, de nombreuses sorties culturelles et organise également un rassemblement annuel d’une semaine en camping près de Revel. Les familles se regroupent également de manière informelle par le biais de groupes Facebook dédiés comme « IEF en 81 » et « IEF en Midi-Pyrénées ». D’autres initiatives ont donné naissance à un agenda de sorties – l’agenda des unschorrigibles – des groupes locaux de gardes partagées, des rencontres informelles régulières à Albi le jeudi et à Gaillac un vendredi sur deux. L’association Libres enfants du Tarn, quant à elle, propose une sortie mensuelle dans la nature et une rencontre par mois dans un tiers-lieux dédié aux apprentissages autonomes : L’Accueillette. Située à Varen, à la limite entre le Tarn, le Tarn-et-Garonne et l’Aveyron, cette structure associative accueille des enfants et jeunes non-scolarisés trois jours par semaine sur un site de plusieurs hectares. On peut trouver sur le site des animaux, de vastes espaces naturels, mais aussi un atelier, une salle de musique, un espace avec des jeux et des livres, ainsi que des facilitateurs adultes. Aucune attente, aucune évaluation, aucune ingérence dans le processus d’apprentissage propre à chacun. Tous les membres participent à la vie collective en prenant des décisions lors d’assemblées ouvertes. Ce type de structure est unique en France et rare à l’étranger. D’autres familles s’organisent en se réunissant pour vivre ensemble, dans des habitats groupés mais aussi dans des villages démocratiques (Pourgues par exemple). Le proverbe bien connu des parents « Il faut tout un village pour élever un enfant » est encore plus vrai lorsqu’on ne se repose pas sur l’État pour garder ses enfants de 3 à 16 ans. Dès lors, il est évident pour les familles de ne pas rester isolées, de s’entraider et de se regrouper. L’absence totale de structures soutenantes pour les familles non-scolarisantes ne les empêchent pas de s’organiser pour rendre leur quotidien non seulement vivable mais agréable !
Finalement, malgré une forte pression de l’État, un nombre toujours croissant d’enfants échappent à l’Éducation nationale. Bien décidés à mettre en avant une autre conception de l’éducation, des individus s’organisent au sein d’écoles ou de regroupements de familles pour parfaire leur autonomie. A défaut de pouvoir ou de croire en un changement au sein de l’école publique, ils œuvrent à la réalisation d’utopies concrètes, à côté du système dominant.
Florian Jourdain et Laurence Le Guilly, 29 septembre 2019
[1] Avant la parution du décret du 2 août 2019, l’instruction était obligatoire pour les enfants âgés de 6 à 16 ans.
[2] Fondation pour l’école, Les écoles indépendantes, une solution d’avenir pour les enfants, dossier de presse, 2018.
[3] Rapport de M. Jean-Claude Carle au nom de la commission des affaires culturelles, n° 504, 1997-1998.
[4] VALLAUD-BELKACEM Najat, « Garantir le droit à l’éducation pour tous les enfants dans le respect des valeurs de la République et de la liberté de l’enseignement », dossier de presse, 9 juin 2016.
[5] Centre national d’enseignement à distance.
[6] Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, créée en 2002, chargée d’observer et d’analyser les phénomènes sectaires.
[7] Rapports de 2009 et de 2017.
[8] Groupe de huit universités privées du Nord-Est des États-Unis, parmi les plus prestigieuses au monde.
[9] Association que nous avons co-créée en 2014. Elle organise des rencontres parents-enfants sur des thèmes touchant à la parentalité.
[10] Direction des services départementaux de l’éducation nationale, celle du Tarn est basée à Albi.
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