Genèse
L’association Libres Enfants du Tarn est née un jour de juin 2014, en pleine canicule, dans une petite pièce d’un petit appartement du centre-ville d’Albi, à un moment où ses fondateurs – une jeune mère de famille dynamique, enseignante renégate et enceinte de 7 mois, et son compagnon, joueur de scrabble à plein temps – avaient besoin d’une soupape de décompression, au risque de finir par se pendre avec la corde à sauter de leur fille de 2 ans et demi.
Pourquoi un tel nom ? Pour rendre hommage à ce grand homme qu’est Alexander Neil. Dire que l’association aurait pu s’appeler – sans rire – « Front de libération des enfants », « Partisans du Maternage Intensif » (PMI) ou encore « Bibous d’Albi ». Il est clair que le pire a été évité…
Leitmotiv
L’idée de départ était on ne peut plus simple : pouvoir dire haut et fort que dormir avec ses enfants n’est pas un acte incestueux, qu’allaiter au-delà de six mois est tout à fait normal, qu’accoucher chez soi n’est en rien une pratique moyenâgeuse, qu’un nourrisson est capable de manger autre chose que d’infâmes mixtures en petits pots, que l’éducation à base d’interdits et de frustrations en tous genres est à vomir.
Il y a encore dix ans, un tel discours était inaudible dans les institutions dédiées à la parentalité (PMI, Centres sociaux, LAEP…), fonctionnant bien souvent sur un schéma hiérarchique de sachant/expert/professionnel diplômé déversant savoirs et méthodes à des parents mis en posture de passivité et mis en garde s’ils venaient à s’écarter du modèle Ruffo-Badinter-Merieu (séparation, biberon, cour de récréation…).
Aujourd’hui encore, pas évident de prendre confiance dans ses choix et encore plus de les affirmer, surtout quand on reçoit des jugements et avis contradictoires de toutes part : gynécologues, pédiatres, médecins, enseignants, amis, boulanger du coin ou mémé croisée dans la rue…
Des rencontres…
C’est pour rompre cette situation d’isolement dans laquelle de trop nombreux parents se trouvaient que nous avons lancé des rencontres à thème mensuelles, ouvertes aux enfants, sans professionnels, sans jugements, sans gluten (pas toujours, il nous est arrivé de faire des écarts). Convivialité, écoute, échange, partage d’expériences, parole libre et décomplexée, autant de notions fortes à nos yeux qui constituent encore aujourd’hui l’ADN de Libres Enfants du Tarn.
Au printemps 2015, un temps mensuel spécifique dédié aux familles non-scolarisantes, ou souhaitant le devenir, a vu le jour. L’objectif était modeste : permettre aux parents d’échanger sur leurs pratiques et sur les difficultés du quotidien, et aux enfants de rencontrer des copains. Ce moment fort de l’association continue de fédérer un nombre toujours plus important de familles. Car la possibilité de vivre hors des palpitantes préoccupations de l’Éducation nationale constitue à nos yeux une liberté fondamentale. Il en va de l’intérêt supérieur de l’enfant et de la réduction de la dette de l’Etat.
… mais pas que
Les trois premières années de l’association ont été marquées par un engagement sans faille et sans limites. Construire une boîte à dons avec des cartons ramassés dans la rue et assemblés grâce à une colle à la farine, à minuit, dans son salon ? Facile ! Participer à des Journées de la Transition aux quatre coins du Tarn avec des personnes n’ayant pas vraiment transitionné quand il s’agit des enfants ? Présents ! Risquer sa vie à animer des débats sur les alternatives à l’Éducation nationale en présence de profs vindicatifs ? Avec joie ! Monter des dossiers de subventions kafkaïens qui seront refusés ? C’est nous ! Emmener son bébé de deux mois chez des pédiatres, afin de dénoncer leur incompétence en matière d’allaitement ? Même pas peur !
Le terrain, on l’occupait également en ligne. Dès le départ, les membres fondateurs avaient l’ambition de faire du site internet de l’association un média à part entière, afin de sensibiliser, d’informer et de permettre à quiconque de s’exprimer sur la tribune libre. Voilà pourquoi on peut à la fois trouver des renseignements fiables sur l’accouchement respecté et l’instruction hors Education nationale et tomber sur des textes aux titres aussi engageants que « La merde qu’on n’achètera pas : le porte-bébé BabyBjörn » ou encore « Les risques des laits industriels, ou comment les bébés ingèrent de la merde en poudre ». Autant d’écrits qui nous ont attiré de nombreux sympathisants, quelques détracteurs aussi, outrés qu’on puisse dire du mal de Faber et Mazlish et de Mathis, la voiture de police VTech.
Enfin, au fil des années, les Libres enfants du Tarn ont diversifié leurs activités. En plus des rencontres et de la gestion du site internet, l’association propose aujourd’hui de nombreux services : prêt de livres, de couches lavables et d’un DAL, accompagnement juridique des familles IEF et annuaire des médecins bienveillants.
Souplesse et action directe
Les membres fondateurs, ayant préféré mettre leur énergie débordante dans des actions concrètes, n’ont jamais été à cheval sur les formalités, comme en témoignent les statuts originels au contenu original (qui ont fait rire de nombreux juristes et avocats du département). Le système d’adhésion, quant à lui, était on ne peut plus singulier : Nul besoin de remplir un bulletin avec ses coordonnées, une carte faite maison contre dix euros suffisait amplement. Parfois, faute d’avoir le prénom de l’adhérent, il n’était pas rare de lire dans le listing des choses comme « meuf robe verte », « mec couches lavables Lavaur »… Si les Libres enfants du Tarn préfèrent toujours les parcs aux espaces de coworking, l’oral à l’écrit, les discussions informelles aux réunions interminables, un certain formalisme est désormais de rigueur dans la gestion des affaires courantes (par exemple, ordre de jour de réunion envoyé en amont, suivi d’un compte-rendu circonstancié et dûment signé par les présents !).
Association hétéroclite
Durant toutes ces années, nombreux sont ceux qui sont passés par l’association : des couples au diapason ou en désaccord et des parents solos (trop souvent des mères d’ailleurs), des bobos citadins et des paysans en transition, des Montessoriens et des Steineriens, des parents de jumeaux et des familles recomposées, des instits punk et des électriciens avec qui le courant passe toujours bien, des chômeurs en fin de droit et des mères en fin de congé parental, cherchant tous un job qui fasse sens, des teufeurs et des chanteuses lyriques, des conducteurs de roulotte et des saxophonistes, des végétariens, des végans et des crudivores, un nombre étonnant d’informaticiens, souvent des barbus au grand cœur, des sociocrates, mais pas de sociopathes, un anarchiste octuagénaire et une lepéniste proche de la quarantaine, des gamers et des fans devenus haters, des grandes gueules et des timides devenus intarissables sur la parentalité, des ermites descendus de la Montagne Noire et des socialites accros à Whatsapp, de jeunes parents perdus et des parents d’ados (perdus eux aussi), des musulmans, des catholiques et un adepte de Sri Tathâta, d’enthousiastes porteurs de projets et d’entreprenantes mampreneuses, des gilets jaunes et des gilets en laine, une fidèle castraise et des filous de Técou, des gens qui sont devenus amis, d’autres qui sont partis…
Souffle nouveau
Durant l’été 2020, certains ont décidé de s’engager aux côtés des membres fondateurs, alors en plein questionnement sur la dissolution de l’association. Probablement inquiets de la disparition pure et simple de ce fleuron de la parentalité, ils ont permis à l’association de connaître une seconde jeunesse. Une année riche en partenariats et en engagement bénévole qui a ainsi permis d’atteindre un nombre record d’adhérents (72 familles au 21 juin 2021).
Par ailleurs, depuis l’AG de juin 2021, les Libres enfants du Tarn fonctionnent en collégiale, ce qui signifie que désormais tous les administrateurs ont le statut de co-président (et peuvent potentiellement tous aller en prison, mais pas dans la même cellule).