Demandes d’autorisations: la cacophonie des DSDEN sur la question du justificatif de disponibilité (volet 4/5)

Toutes les citations qui apparaissent dans cet article ont été recueillies par écrit et sont autant de preuves que l’association tient à la disposition de tous les membres de l’inter-asso et de la CooPLI. Une cartographie intégrale concernant 3 des volets des articles « Demandes d’autorisation » (motif 3, motif 4, justificatif de disponibilité) est disponible pour permettre aux familles de voir ce que leur DSDEN radote. En aucun cas, nous conseillons de se plier aux desiderata de chaque DSDEN: nous cherchons plutôt à montrer l’absurdité et l’illégalité de ces exigences.

Toujours nous !

Alors cette fois, on est là pour une question très précise, factuelle, bureaucratique : quelle(s) pièce(s) peut-on fournir pour justifier de la disponibilité d’un parent instructeur qui invoque le motif 4 ? Va-t-on enfin entrevoir un consensus sur une question aussi concrète, faite pour des techniciens du Cerfa ?

Le décret mentionne, une fois de plus, que « toutes pièces utiles » doivent être fournies pour justifier de la disponibilité des parents. Toutes les pièces ? Mais c’est hyper intrusif en fait ! Qu’on soit salarié-e à temps plein ou partiel, auto-entrepreneur, parent au foyer, que faut-il montrer/prouver ? Qu’on est dispo aux heures de bureau/école 9h-12h/14h-17h, 4 jours par semaine? C’est tellement voyeuriste, cette mise à nu forcée ! On nous demande déjà tellement d’informations : identité, adresse, téléphone, email, catégorie professionnelle, niveau de diplôme…

Duane Hanson, Housewife (Homemaker), 1969-70

Donc non seulement on serait assignés à résidence, coincés entre l’exigence illégale de décrire une situation propre par enfant et l’impossibilité de fournir un projet éducatif qui trouvera grâce aux yeux de l’EN, mais en plus on devrait fournir un emploi du temps heure par heure de nos journées ? Et si on ne fait rien de particulier ? Si on ne prévoit pas à l’avance ? Si on bosse en journée, mais qu’on est là pour nos enfants le soir ? Si on a trouvé un système de garde partagée pour pouvoir assurer un salaire à notre foyer ? Si on est mère solo et qu’on a trouvé un équilibre, aussi peu conventionnel soit-il ?

Nous voyons 3 choses dans cette simple demande :

1°) toujours énormément de suspicion à l’encontre des familles IEF (« mais comment font-ils, bordel, pour se passer de notre garderie gratuite ?! c’est tous des rentiers ou quoi !!!« ) ;

2°) une injonction à se conformer à une norme invisible, sous prétexte d’être traités de « séparatistes » : se lever tous à la même heure, aller tous travailler à la même heure, prendre ses vacances en même temps que tout le monde… dans un monde bien propret et prévisible où chacun entre dans la case qu’on lui a prévue ;

3°) et une violation de l’intimité sans précédent. Bientôt, un fonctionnaire va te demander sans sourciller la marque de ton slip.

Alors, nous avons quizzé les DSDEN via 3 profils, soit 315 mails envoyés (2 profils féminins, et 1 masculin, qui obtient davantage de réponses). Nous avons obtenu 172 réponses, soit un taux de 54,6%. Au final, 111 réponses avaient un contenu informatif, soit un taux de réponses utiles de 35,2%. Ce qui en ressort, qu’on se le tienne pour dit, c’est que les consignes sont d’interdire l’IEF en cas de travail à temps plein, de vérifier la cohérence entre le planning annoncé dans le projet éducatif et le temps disponible du ou des instructeur(s), et de pousser les familles à fournir le maximum de justifs (la fameuse main tendue du « toutes pièces utiles » en mode « on vous laisse décider quoi fournir », mais attention, plusieurs DSDEN nous alertent (menacent ?) que moins on en fournit, moins on a de chances d’être acceptés. Tatatata ! On ne se rue pas pour aller chercher les 10 dernières fiches de paie, on finit l’article et on apprend à se déscolariser soi-même en faisant marcher son esprit critique.

En bleu, il y a les réponses « blabla » (26,2%) qui citent le Cerfa « toutes pièces utiles », merci on avait compris. Par exemple, ce petit bijou de poésie bureaucratique : « Il vous appartient de produire ou non les pièces justificatives que vous jugez utiles pour appuyer le projet pédagogique. L’instance départementale vous accordera ou non la possibilité d’instruire vos enfants en famille au regard des éléments que vous aurez fournis. »

En violet, les demandes d’informations variées (9,3%) (école actuelle, commune, numéro de téléphone) avant toute réponse. En rouge foncé, une réponse complètement erronée (1,7%) : « Les justificatifs concernant la disponibilité sont à fournir dans le cas où l’instruction est donnée par un tiers. Vous n’êtes donc pas concernée par cette justification. » (réponse fournie à deux reprises par la DSDEN du Maine et Loire).

Il y a, enfin, les réponses qui nous intéressent : en vert, les DSDEN qui s’accordent pour dire qu’une attestation sur l’honneur suffit (34,3%), c’est-à-dire un simple courrier signé qui indique « Je suis disponible pour l’instruction de mon enfant. » Point à la ligne, pas d’autres informations divulguées.

Quelques-uns ne peuvent s’empêcher d’y ajouter une petite menace: « … une attestation sur l’honneur qui vous engage. En effet, je vous informe que lorsqu’elle est obtenue par fraude, l’autorisation mentionnée à l’article L. 131-5 est retirée sans délai, sans préjudice des sanctions pénales. Ce retrait est assorti d’une mise en demeure d’inscrire l’enfant dans un établissement d’enseignement scolaire public ou privé, dans les conditions et selon les modalités prévues au I de l’article L 131-5-1 du code de l’éducation. »

Certaines DSDEN indiquent même: « Une déclaration sur l’honneur peut être un élément, mais il est conseillé d’étayer par d’autres pièces. » ; « Il est à noter que plus la situation de disponibilité est détaillée, plus l’avis de la commission sera favorable. » ; « Une attestation sur l’honneur suffira à qualifier votre dossier de complet. En revanche, elle ne permettra peut-être pas aux instructeurs d’apprécier au mieux votre situation, ce qui pourrait être préjudiciable à votre demande. » Pernicieux, non?

En rouge, les DSDEN qui exigent d’autres pièces justificatives de la situation des instructeurs (28,5%). Accrochez-vous, voici la liste exhaustive :

SI ON TRAVAILLE:

« un contrat de travail attestant d’un temps partiel / mi-temps / temps aménagé » (10 occurrences)

« contrat de travail » ou « attestation employeur » avec « quotité horaire » / « emploi du temps » (8 occurrences)

En effet, on nous rappelle à plusieurs reprises: « être responsable de l’instruction de ses enfants peut ne pas être compatible avec un emploi à temps complet » ou encore « Vous comprendrez que, sauf une autonomie avancée de l’enfant et un CNED réglementé par exemple, deux parents travaillant à temps plein ne peuvent pas assurer convenablement l’instruction. »

SI ON NE TRAVAILLE PAS:

« une attestation de chômage » ou de « Pôle Emploi » ou de « RSA » (8 occurrences); « une attestation de congé parental » (7 occurrences); « une attestation d’une absence d’activité professionnelle » (5 occurrences); « avis d’impôts » ou « déclaration de revenus » (4 occurrences); « attestation CAF » ou « relevé CAF » (4 occurrences); « un document qui spécifie que vous avez demandé une disponibilité à votre employeur » (3 occurrences)

Parfois, le lien avec le projet éducatif est demandé : « descriptif de votre organisation pour le suivi du travail scolaire de vos enfants » ou « une attestation sur l’honneur, décrivant votre activités et les impératifs horaires auxquels cette activité vous soumets (heures d’ouverture, déplacements etc.), complétée par un emploi du temps des cours donnés à votre enfant. » ou encore « Projet pédagogique avec des étapes, temps que ceci mobilisera pour vous, par ex si vous travaillez, accompagnement de sortie chiffrées etc…en quelque sorte, un exposé précis de votre organisation au service de l’intérêt pédagogique de votre enfant qui conforte le sérieux du projet qui est le votre et qui fonde votre démarche d’entrée en IEF. » (8 occurrences similaires). Deux DSDEN confondent même projet éducatif et justif de dispo: « La justification de la disponibilité peut s’expliquer dans le projet pédagogique. » (Loir-et-Cher et Rhône)

La Loire-Atlantique résume: « tout document prouvant que vous avez du temps » (mes records au Démineur, ça prouve que j’ai du temps, non?)

Au final, aucune académie n’est harmonisée. On note, en outre, au sein même des DSDEN, des attitudes différentes assez inexplicables : par exemple, selon le profil, le Val-de-Marne, le Lot, le Var et les Hautes-Pyrénées apportent tantôt une réponse, tantôt se contentent d’un simple : « Appelez-moi pour que je vous réponde »…

!Attention!

Aussi démoralisantes soient-elles, ces enquêtes n’ont pas pour but de faire souffler un vent de défaitisme parmi les familles concernées. Nous pensons qu’il est important de prendre connaissance de ces chiffres et de cette attitude globale afin de mieux nous défendre. Nous ne disons pas d’obéir à ces exigences farfelues et illégales. Ces chiffres vont nous servir à tous : pour des recours en cas de refus, pour tout échange avec la DSDEN et pour les avocats de l’inter-asso.

Nous ne cherchons pas à décourager tout le monde : au contraire ! Nous espérons que davantage de familles s’engageront dans les associations pour lutter contre cette attaque sans précédent contre la liberté d’instruction. A l’heure actuelle, on a quand même des associations qui balaient tout le paysage politique. La réalité, c’est qu’elles reposent seulement sur des poignées de bénévoles, ce qui montre à la fois qu’on peut déplacer des montagnes en étant peu nombreux, mais aussi que l’IEF pâtit d’un manque cruel d’engagement des personnes concernées : non, mettre un pouce bleu ne sert à rien et ne s’appelle pas « militer ». Oui, ça demande d’y consacrer des heures et des soirées. La lutte qui s’organise à l’heure actuelle se passe loin des réseaux sociaux. Plus nous serons nombreux à contester et plus nous aurons du poids. Il y a 69543 enfants (chiffres MEN au 1er février 2022): faisons bloc et faisons nombre!

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2 réflexions sur “Demandes d’autorisations: la cacophonie des DSDEN sur la question du justificatif de disponibilité (volet 4/5)

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