Décryptage de la commission flash sur la déscolarisation (16 juillet 2018)

Voici les préconisations des rapporteures de la commission (nos commentaires en rouge, vidéo intégrale et retranscription en bas de page):

n°1: améliorer le recensement et le suivi des enfants non-scolarisés (=fichage, flicage)

– attribuer un numéro d’immatriculation (INE) à tous les enfants IEF
– mieux contrôler les changements de situation (certificat de radiation)
– suivre des cohortes (grands groupes pour statistiques) pour mieux connaitre le phénomène IEF
– créer un outil académique harmonisé
– créer une commission ad-hoc pour organiser le partage des données et le suivi des enfants non-scolarisés dans chaque département
– améliorer le suivi des injonctions, des suites de contrôle et des signalements

n°2: rendre la déscolarisation en cours d’année possible seulement jusqu’à la fin du premier trimestre

(alors que pour l’instant, on peut déscolariser à tout moment)

n°3: « améliorer«  les enquêtes en mairie

– rappeler aux maires leurs obligations (guide interministériel)
– faire porter l’enquête également sur la question de la santé de l’enfant et son alimentation (demander une attestation de suivi médical) (dédicace à tous les crudivores, vegans, anti-vax, New Age et assimilés)
– donner une meilleure information aux familles sur leur enquête de mairie (compte-rendu systématique) il serait temps puisque personne ne les reçoit
– transmettre les enquêtes de mairie à l’Éducation nationale et informer les maires des suites de leurs enquêtes (pour un flicage optimal)

n°4: « améliorer«  les contrôles pédagogiques

– mettre en place un cadre harmonisé nationalement (alors si ça stoppe la loterie actuelle, OUI, mais quel cadre exactement?)
– mieux informer les familles des cycles du socle (un petit renvoi en bas de page vers Eduscol, ça coûte rien et ça fait toujours bien)
– communiquer davantage avec les familles (livret, plaquette) hâte de recevoir ma petite brochure!
– lorsqu’il est nécessaire d’effectuer des contrôles collectifs, les faire dans un tiers-lieux comme une médiathèque par exemple (what? les contrôles collectifs devraient être dénoncés comme illégaux! mais effectuer tous les contrôles en biblio, why not?)
– faire passer des évaluations pour les enfants IEF (les mêmes que celles des enfants scolarisés, c’est-à-dire au moins CP, fin de CE2 et fin de CM2). Les résultats obtenus à ces évaluations constitueraient des bases pour aider les familles à construire le projet pédagogique. (traduction: ce serait plutôt « ça passe ou ça casse »: « Désolé mais votre enfant n’a pas le niveau » / « Mais il est justement désco pour aller à son rythme! » / « Oui mais non, s’il veut retourner à l’école? » 0___0 Dialogue de sourds)

– mettre en place un protocole d’accompagnement pour la rescolarisation (car c’est toujours l’objectif au fond, il ne peut exister de désco heureuse à leurs yeux)
– mettre à disposition des ressources pour les familles IEF: aides à la socialisation (activités de loisirs pour les familles IEF) + participation à certains cours pour du soutien (langues, sports, matières scientifiques) (mais pourquoi pas?! on veut bien les gymnases et les salles de classe remplies de matosse en soirée, les week-ends et pendant les vacances!)
– continuer le chantier sur les nouvelles méthodes pédagogiques, notamment à travers le développement des ESPI (Etablissements Scolaires à Pédagogies Innovantes) (ah oui, CE chantier… petite pensée pour Céline Alvarez)

n°5: mettre en place une labellisation des cours par correspondance

(devinez qui va avoir sa labellisation: le CNED? ou bien Kerlan, Pi, etc?)

n°6: verser les allocations familiales (dont l’ARS) après vérification du certificat de scolarité ou de l’attestation d’instruction en famille

(miam la carotte! on dit merci pour les sou-sous et bouh les non-déclarants!)

n°7: former les inspecteurs (alléluia!)

(que) ceux qui vont inspecter les petits de 3 à 6 ans (puisque la nouvelle loi sur l’allongement de la période d’instruction obligatoire va donc bien avoir comme conséquence des contrôles pédagogiques dès 3 ans. Les IEN vont donc devoir définir les modalités de ce contrôle, les compétences à évaluer… On nous assure qu’ils font des trucs super en maternelle, on envisage un lien PMI/Education nationale (chouette!), on nous promet des contrôles « sur tablettes avec des petits smileys »… aux petits oignons, qu’on est traités, j’vous dis!)

– formation également des personnels chargés de l’enquête de mairie: agents administratifs, agents des CCAS et assistantes sociales municipales

Ces préconisations ne sont pas des lois, mais des propositions émanant des rapporteures après examen des faits. Alors qu’en pensent les copains de l’assemblée?

***

Voici le compte-rendu du débat qui a suivi:

Déjà, il faut bien prendre conscience que TOUS les élus présents sont d’accord sur le fond: il faut davantage recenser, répertorier, surveiller, contrôler la communauté IEF, certes marginale mais appelant toute la vigilance des institutions, tout cela bien entendu pour quoi? … pour la? … pour la … pro-tec-tion des zen-fants! Ils se sont rendu compte que les différents services en charge du contrôle des familles IEF (à savoir les communes, l’Éducation nationale et la CAF) ne communiquaient absolument pas entre eux. Il n’y a pas d’échange de dossiers, pas de suivi, pas de transmission d’informations. Aucune traçabilité. C’est là qu’on réalise qu’ils n’ont aucun chiffre, aucune statistique et très peu de données à se mettre sous la dent. Ils savent que le nombre d’enfants instruits sans CPC augmente beaucoup en ce moment. Et les rapporteures citent deux chiffres inquiétants à leurs yeux:

– il y aurait eu cette année en France 5 écoles de fait démantelées, ayant fait l’objet de saisines au procureur de la République. (Lesquelles? Où? Sont-ce des écoles coraniques? à pédagogies alternatives? Nous sommes preneurs de toute information sur cette question.)

– il y a eu environ 600 demandes adressées à l’instance de surveillance des sectes concernant des mineurs avec un problème d’éducation (mais combien étaient non-scolarisés? combien se sont avérés être réellement des cas préoccupants? Ce chiffre ne veut donc rien dire….)

Bref… L’objectif annoncé est donc de « diminuer les trous dans la raquette » (sic) à travers un certain nombre de « décisions de bon sens » qui consistent, disons le clairement, à mieux ficher des enfants jusqu’alors « hors radar ». En effet, pour ces messieurs et dames fort zélés, bien qu’ils reconnaissent eux-mêmes n’avoir aucune réalité statistique sur les motivations des familles IEF, « la pente dangereuse de la déscolarisation » (frisson dans l’assemblée) fait partie du faisceau d’indices pointant vers les dérives sectaires et la radicalisation.

« La déscolarisation choisie, n’est-il pas temps de la rendre plus contraignante? »

se demande Mr Yannick Kerlogot d’un air fort contrit.

On parle donc d’un recensement annuel national. On tombe d’accord sur l’attribution d’un numéro d’immatriculation à chaque enfant non-scolarisé et sur la mise en place d’une bonne carotte pour inciter à déclarer: verser l’allocation de rentrée scolaire (jusqu’alors refusée aux non-scos). On débat sur le croisement de fichiers et l’obligation de déclarer son domicile (ou « contrôle de l’habitant »). On se questionne aussi sur un contrôle de la sociabilisation ou sur un régime d’autorisation de l’IEF.

Il est également envisagé que les préfectures entrent en contact avec les associations qui s’occupent de l’IEF. Pour que tout le monde se rende bien compte, voici l’avis d’une des rapporteures sur les associations IEF:

« Nous avons vu qu’elles sont quand même assez remontées et ce qui nous a un peu gêné, c’est qu’on diffuse aux parents des guides, un certain nombre de techniques pour pouvoir échapper aux contrôles, gérer les contrôles comme il faut, etc… Donc on est sur des gens qui parfois sont assez remontés contre le système, contre les institutions et donc arriver à mieux travailler avec eux demande sûrement énormément de doigté. »

Mme George Pau-Langevin, qui ne fuck pas le system, elle.

Voilà ce qu’on dit de LED’A, Laïa et UNIE en haut lieu. A tous ceux qui pensent que chaque action un peu trop « radicale » dessert toute la communauté IEF, gardez bien en tête que même le guide juridique de LED’A est déjà considéré comme une action sulfureuse nuisible aux bons rapports avec l’État… Pour répondre à madame Pau-Langevin: heureusement que ces guides existent car les abus de pouvoir sont légions parmi les fonctionnaires de l’État et les familles peinent à faire valoir leurs droits. Les associations ne sont pas dans la malice, la bidouille pour échapper aux autorités: elles parent au plus pressé, soutiennent et conseillent les familles démunies face à l’intolérance et l’irrespect des inspecteurs de l’Éducation nationale. Nuance. De taille.

Si l’État se fixe comme mission de « recréer un lien entre les familles et l’institution » et de « renouer la confiance », il faut commencer par admettre ça: les inspecteurs ne sont pas formés, ne s’adaptent pas aux pédagogies des familles, se méfient des familles a priori, outrepassent le cadre du contrôle, abusent de leur autorité, font preuve de mauvaise foi, comparent sans cesse au niveau scolaire, ne connaissent pas la loi encadrant l’IEF et au final n’ont pas en ligne de mire le bien-être de l’enfant. Ce qu’ils ont en ligne de mire, c’est la rescolarisation de l’enfant. Ils n’arrivent pas à admettre qu’une déscolarisation puisse être heureuse, optimale et synonyme d’excellence et de réussite. Commençons par revoir la posture de ces agents supposément neutres et ensuite on pourra envisager de créer et de nouer des trucs ensemble.

En conclusion, quelles seront les suites données à cette commission? Difficile à dire pour l’instant, la balle est dans le camp de l’Éducation nationale qui piochera dans les mesures à sa guise (cool!). Il faut tabler sur un manque de moyens de leur part: les IEN, déjà en charge des inspections du corps professoral, doivent en plus se taper les écoles hors contrat (qui pullulent aussi) et tous les IEF de 3 à 16 ans maintenant… Bref, il y a fort à parier que les familles vont montrer une « réticence accrue » face aux contrôles intrusifs. Plus que jamais, nous appelons les familles IEF à se préparer aux contrôles en amont, à s’y rendre accompagné d’un témoin, à rédiger un contre-rapport systématiquement en cas de désaccord, à adhérer aux associations et à se tenir au courant de l’actualité.

Le choix de l’instruction en famille est un choix politique, un engagement citoyen. Soyons visibles pour être reconnus.

Pour visionner l’intégralité du rapport de la commission flash à l’assemblée nationale:

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.6413891_5b4ef15f5e786

Pour lire le texte de la communication des rapporteures:

Publicité

2 réflexions sur “Décryptage de la commission flash sur la déscolarisation (16 juillet 2018)

  1. « Ils n’arrivent pas à admettre qu’une déscolarisation puisse être heureuse, optimale et synonyme d’excellence et de réussite. »
    Optimal, excellence, réussite, ouf! Avez-vous pensé à ouvrir une école (ou à relire Ivan Illitch)?
    Ceci dit, votre site laisse entendre que votre critique de l’école la condamne dans sa globalité alors que vous en vantez ici les objectifs fondamentaux. Serait-ce un malentendu ou partagez-vous les mêmes objectifs que l’EN pour vos charmantes têtes blondes excellemment réussies?

    J’aime

    • c’était pour dire que bien souvent les inspecteurs qui rédigent les comptes-rendus n’arrivent pas à sortir ces mots, qui pourtant font bien partie de leur vocabulaire! ils ne font que pointer des « lacunes », « retards ». mais je vois qu’on est sévèrement relus, je relirai ma copie attentivement la prochaine fois Mr Le Petrin

      J’aime

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s